En bref...
L’évaluation participative repose sur le principe d’une participation active des parties prenantes (les stakeholders comme les appellent beaucoup d’auteurs) à l’exercice d’évaluation (B. Plottu et E. Plottu, 2009) et du contrôle qu’elles peuvent exercer sur ce processus (S. Jacob et L. Ouvrard, 2009). La participation en évaluation suppose de dépasser l’implication des seuls décideurs, depuis la définition des questions évaluatives à la diffusion des conclusions. Ainsi, tout au long du processus d’évaluation, les participants partagent le contrôle et la responsabilité pour décider de ce qui sera évalué, sélectionner les méthodes et les sources de données, collecter les données, les analyser et présenter les résultats de l’évaluation (Fondation Roi Baudouin, 2006).
L’apparition de l’évaluation participative est associée à la troisième phase de « l’histoire » de l’évaluation, après une phase « scientifique » (1960-1970) et une évaluation managériale des programmes (1970-1980) qui se voulait plus pragmatique (S. Trosa, 2003). Il s’agit de la quatrième génération d’évaluation. Son apparition est liée à la prise en compte de l’intérêt à considérer les représentations des différents acteurs dans le processus de réforme des politiques publiques.
Selon la finalité attendue de l’évaluation participative et du mode opératoire qui est appliqué, celle-ci prend le nom d’évaluation « pluraliste », « coproduite » ou « émancipatrice ».
Les dimensions de l’évaluation participative
Une analyse critique des multiples approches mises en pratiques en France à fait émerger des dimensions permettant de les distinguer les unes des autres. Deux dimensions de la participation sont ainsi communément reconnues par la plupart des auteurs : il s’agit de la largeur et de la profondeur de la participation, et c’est au regard de ces deux questions de calibrage de la démarche que la participation dans l’évaluation se positionne.
La largeur du processus correspond à la diversité des acteurs impliqués dans le processus. En effet, la question de ce que recouvre la notion de parties prenantes ne fait pas consensus.
La profondeur du processus est le degré d’implication des groupes d’intérêts dans les différentes phases du processus. Mais l’échelle de la profondeur de la participation ne suit pas l’ordre des étapes. Il est beaucoup plus fréquent d’associer des acteurs à l’interprétation des résultats que de leur proposer de collecter eux-mêmes les données.
Une évaluation peut ainsi associer les participants à tout ou partie des différentes étapes d’un processus évaluatif et plusieurs cas de figure sont envisageables.
Les intérêts de la démarche
Les approches d’évaluation participative reposent sur le présupposé que toute intervention humaine dans un processus n’est pas neutre et véhicule un référentiel de valeurs qui va contribuer à orienter le processus. D’ailleurs, les controverses scientifiques et technologiques soulignent souvent le fait que différents acteurs, groupes sociaux, communautés épistémiques et parfois même des scientifiques arrivent à des évaluations différentes, dépendantes de leurs intérêts, de leurs préférences et des valeurs auxquelles ils se réfèrent, voire de leurs évaluations éthiques et épistémiques (Reber, 2013). Dans ce sens, B. Plottu et E. Plottu (2009) en concluent qu’il convient de favoriser l’expression de la diversité des points de vue sur l’action publique afin d’optimiser la légitimité sociale de l’évaluation. En outre, parce qu’elle fait intervenir plusieurs acteurs aux intérêts multiples, la force de l’évaluation participative est de produire un avis réellement démocratique à propos des politiques publiques.
Comme l’explique M. Bantuelle et al. (2011), l’évaluation participative est une évaluation interne (qu’ils opposent à l’évaluation externe) réalisée par des personnes qui, de par leur proximité, sont censées détenir une meilleure connaissance du milieu et de la communauté visés. Les évaluateurs perçoivent dès lors mieux les problèmes rencontrés et ils possèdent, en outre, une bonne connaissance du programme en cours. Cette proximité permet en outre d’entretenir plus aisément une dynamique d’évaluation permanente destinée à améliorer la dynamique du projet et le processus en cours.
Champ d’application privilégié ?
La participation présente un intérêt certain pour la collectivité lorsqu’il s’agit de discuter de l’opportunité de la réalisation d’une action publique qui l’engage sur le long terme (B. Plottu et E. Plottu, 2009). Chemin faisant, la participation des parties prenantes à l’évaluation, par les effets d’apprentissage engendrés, va apporter une aide intéressante pour réajuster l’action en cours. Par ailleurs, dans sa fonction émancipatrice des acteurs (y compris les plus faibles), l’évaluation participative constitue elle-même une action en faveur du développement durable. Lorsque l’évaluation intervient ex post à l’action publique, ou que la finalité de l’évaluation est essentiellement à caractère gestionnaire, la question de la participation est moins évidente selon les mêmes auteurs. Dans ces derniers cas, la participation aidera à poser différents regards sur ce qui s’est produit, sans pouvoir modifier le passé. « Autant, on ne peut faire l’économie de la confrontation des points de vue lorsqu’il s’agit de construire un futur commun, autant la volonté de jeter un regard le plus objectif possible sur ce qui s’est passé peut amener à favoriser un processus moins participatif. L’évaluation privilégiera alors des méthodes s’appuyant sur des données objectives quantifiées afin de tirer des enseignements pour le futur. Dans ces conditions, l’effort et le coût que suppose la mise en œuvre d’une évaluation participative en termes de formation et d’accompagnement des acteurs doivent être bien considérés relativement aux bénéfices attendus » (B. Plottu et E. Plottu, 2009).
D'autres références et sources d'informations :
Rapport final : Evaluation des processus de mise en oeuvre des Plans de Cohésion Sociale. Patrick Italiano, Catherine Fallon, ALine Thiry, Alix Dassargues, mai 2013. Lien
Empowerment Evaluation - Yesterday, Today and Tomorrow. David Fetterman (Stanford University) et Abraham Wandersman (University of South Carolina), 2007. Lien.
L'évaluation des politiques publiques - Les notes de benchmarking international. Sylvia Trosa (Institu de l'Entreprise), 2003. Lien.
Une approche pluraliste et participative : coproduire l'évaluation avec la société civile. Gaëlle Baron et Eric Monnier, 2003. Lien.
Méthodologie de l'évaluation participative (fascicule 2). Carole Vanier (COMSEP), 2000. Lien.
Manuel d’evaluation Participative de Programme - Comment assurer la participation des des exécutants de programme dans le processus d’évaluation. Judi Aubel, 2000. Lien.
Evaluer les programmes socio-économiques - Conception et conduite d'une évaluation. Commission européenne (Collection MEANS, Volume 1), 1999. Lien.
Un OVNI dans le paysage français? Eléments de réflexion sur l'évaluation des politiques publiques en France. Philippe Corcuff (CEntre d'études et de recherches de l'IEP de Lyon), 1993. Lien.
EVAL : centre de ressources en évaluation